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ALVEOLE 2010

Voici l’intervention faite par Carlo Zerbini à ALVEOLE en 2010 devant un parterre important de professionnels attentifs.
Si certains apportaient leur perception de cette intervention, ils seraient les bienvenus.

Intervention au congrès ALVEOLES 2010 de Carlo ZERBINI,
ancien pâtissier, asthmatique et allergique à la farine.

Il y a quelques années, les termes « qualité de vie » ne voulaient rien dire pour moi.
J’avais une très mauvaise qualité de vie, en fait.
A 17 ans, je fais ma première grosse crise d’asthme. J’étais en plein centre ville.J’ai commencé à tousser,
incapable d’inspirer correctement, j’avais l’impression d’étouffer.
J’ai du aller me réfugier dans une allée d’immeuble, et m’asseoir sur les marches de l’escalier pendant deux heures.
J’ai attendu que la crise passe et je suis rentré chez moi, je marchais lentement.
A cette époque, toutes les nuits, vers deux ou trois heures du matin, j’étais réveillé par une crise d’asthme et je devais m’asseoir dans mon lit, le dos calé par des coussins, attendant la fin de la crise.
Je me recouchais ensuite, lentement.
Il fallait aller travailler tôt le matin, ce n’était pas facile à gérer.

                        Qualité de vie : quelle signification pour un malade ?
Pour un insuffisant respiratoire, chronique, y a-t-il vraiment une qualité de vie ?
La qualité de vie est étroitement liée à la gravité de l’insuffisance respiratoire, c’est évident, et il est certain que la notion de qualité de vie change d’une personne à l’autre.
C’est d’abord le moral.
C’est l’entourage, sa capacité à surmonter certains désagréments, sa capacité à aider le malade à faire face aux difficultés ressenties dans tous les gestes de la vie quotidienne.
La vie quotidienne, c’est être essoufflé après s’être assis dans son lit, s’être mis debout.
C’est être essoufflé par le fait de prendre une douche.
C’est avoir le souffle coupé quand on met ses chaussettes, c’est renoncer aux chaussures à lacets ou fermeture car il est impossible d’attacher ces chaussures.
Prendre ses médicaments, faire son traitement, c’est aussi une épreuve.

La vie quotidienne, c’est aussi sortir de chez soi, sans pouvoir marcher d’un bon pas, c’est s’exposer au regard des autres, surtout si les tuyaux d’oxygène sont mis. Quelle qualité de vie dans tout ça ? Peut-on parler de qualité de vie ?
Si le malade est un peu philosophe, il se dit qu’il y a pire et il surmonte les difficultés, il accepte sa maladie. Il est très important de comprendre sa maladie, de vivre avec.
La relation patient-pneumologue est très importante, le malade a besoin de parler et il a besoin d’être écouté. L’insuffisant respiratoire est constamment stressé et il a besoin d’être rassuré.
Pour certains malades, sortir sans le broncho-dilatateur sur soi conduit à la panique et à la crise. Dès qu’il s’aperçoit de l’oubli, il revient sur ses pas pour aller le chercher.
La vie quotidienne, ce sont aussi les tâches de la maison. Même les tâches simples peuvent poser problème, comme faire le lit, faire le ménage.
Les enfants, les petits enfants compatissent mais, au mieux, ne comprennent pas. Du coup, le malade évite de parler de ses problèmes, il ne veut pas ennuyer son entourage.
Beaucoup de malade souffrent du fait que les personnes autour de lui doutent de sa maladie.
Moi, par exemple, si je dis que je suis malade, insuffisant respiratoire, je suis regardé d’un air incrédule ou même moqueur. Mon insuffisance respiratoire ne se voit pas. Ce handicap passe inaperçu, sauf pour les personnes sous oxygène.

Et il y a le travail. C’était mon cas.
Après une mauvaise nuit, souvent assis sur le lit ou dans un fauteuil, c’est une dure expérience d’aller travailler.
Surtout pour me retrouver dans la farine une grande partie de la journée. Je gardais la Ventoline à portée de main, je prenais bouffée après bouffée, de plus en plus souvent, et mon cœur s’emballait. Il me fallait m’arrêter quelques minutes, les yeux bouffis, la respiration sifflante.

Et il y a la vie de couple. Quand le moindre effort devient un obstacle, comment faire face ?
On se sent diminué. Pour finir, souvent, il faut renoncer à ce plaisir, par peur de ne pas arriver au bout.
Finalement, la libido diminue. Dans ce domaine comme dans beaucoup, moins on en fait, moins on a envie d’en faire. Le conjoint a donc un rôle important, il doit rassurer, prendre l’initiative, mais la situation est mal vécue. Surtout par un homme.

L’aide apportée par les médicaments est primordiale, le traitement doit être fait correctement, jour après jour.
C’est efficace, mais c’est insuffisant.

Il y a, en complément, la réhabilitation respiratoire, le réentrainement à l’effort et c’est cela aussi qui contribue à améliorer la qualité de vie du malade insuffisant respiratoire.
Je vous en parle en connaissance de cause.

J’ai admis qu’il fallait intégrer à ma vie quotidienne l’activité physique.
J’ai donc changé de comportement, j’ai appris à gérer mon souffle dans les gestes de la vie quotidienne, à doser mes efforts.
Et j’ai ainsi augmenté petit à petit mon endurance.
Mon séjour en clinique de réhabilitation a été le déclic, j’ai été motivé et je me suis amélioré. Et plus je m’améliorais, plus je voulais m’améliorer, j’ai persévéré et c’est un facteur important.
L’anxiété a disparu, je me suis senti mieux physiquement, le regard des autres a changé et j’ai retrouvé le moral. Quand le moral va, tout va.
J’ai coutume de dire qu’après mon séjour en clinique de réhabilitation, j’ai rajeuni de 20 ans, à tous points de vue.
Une nouvelle vie a commencé, j’ai repris goût aux plaisirs simples de la vie. J’ai fait de petites randonnées, à mon rythme, en respectant mon seuil cardiorespiratoire. Je pouvais mettre deux ou trois fois plus de temps que les valides, c’était sans importance, l’essentiel était de marcher.
Tout cela m’a permis de renforcer les muscles, de perdre du poids dans un premier temps, de stabiliser mon poids ensuite.
Ce sont des choses simples mais, pour l’insuffisant respiratoire que je suis, cette réhabilitation respiratoire, avec l’aide de mes pneumologues, fût la révélation de mes capacités et m’a permis prendre confiance en moi et dans mes actes.
Et j’ai alors fait profiter d’autres malades de mon expérience, je me suis mobilisé pour les autres, les efforts ne sont pas perdus.

Pour chacun de nous, la réhabilitation respiratoire, c’est primordial car il faut garder son capital souffle, l’améliorer, et surtout ne pas le laisser se détériorer.

Carlo ZERBINI