Légende du Saut du Moine
Le Saut du Moine se trouve sur la commune de Champagnier et le site de la Mairie offre de découvrir la légende.
Légende du Saut du Moine
Le rocher surplombant le confluent de la Romanche et du Drac tire son nom, dit-on, d’un drame passionnel.
On raconte qu’un moine novice nommé Jehan Godemard tomba amoureux de Marie Trahan, jeune fille du plateau.
Oubliant sa vocation, il chercha à la séduire en revêtant des vêtements qui ne trahissaient pas ses vœux.
La pauvre Marie commença à nourrir un doux sentiment à son égard, jusqu’au jour où elle le croisa en robe de bure.
Désespérée, elle se jeta dans le vide du haut du rocher, entraînant le moine dans sa chute.
La légende en vers
Il était une fois, dit une vieille histoire,
Dans un sombre couvent de moines augustins,
Un novice qui, seul, venait tous les matins
Préparer sur l’autel la nappe et le ciboire.
C’était le fils cadet d’un duc de sang royal
Voué par cela même à porter la tonsure.
Or, chaque jour, avant l’office matinal,
Priait dans la chapelle une enfant belle et pure.
Le diable, qui rôdait par là,
Ricanait en voyant cela.
Comme vous le pensez, les yeux du jeune moine
Du côté de la grille allaient errer souvent,
Et parfois il faisait quelques pas en avant
Vers la rêveuse enfant blonde comme l’avoine.
Or la belle filait, un soir, à son fuseau.
Au dehors il faisait un temps épouvantable.
Un jeune voyageur couvert d’un long manteau
Vint demander asile au foyer charitable.
Le diable, qui rôdait par là,
Ricanait en voyant cela.
On le fit vite entrer, on raviva la flamme,
La mère lui servit un bouillon tout fumant,
Le père lui versa d’un bon vin ranimant,
La belle dans ses yeux laissa parler son âme.
Il leur dit que d’un prince il était messager,
Et pourrait d’autres fois s’arrêter au passage.
Vous l’avez deviné, le galant étranger,
C’était notre novice échappé de sa cage.
Le diable, qui rôdait par là,
Ricanait en voyant cela.
Il revint en effet souvent, à la nuit close,
Et ne fut pas longtemps sans dire son amour.
Pour un si doux aveu la fillette, en retour,
Avoua que son creur ne rêvait d’autre chose.
Pour elle, l’amoureux, c’était un fiancé.
Par des serments trompeurs il gagnait sa tendresse,
Et les parents, heureux de le voir empressé,
Aussi bien que leur fille accueillaient sa promesse.
Le diable, qui rôdait par là,
Ricanait en voyant cela.
Survint la Fête-Dieu. Portant croix et bannières,
Dans les chemins, manants et Pères défilaient.
Seule la blonde enfant, que des songes troublaient,
Devant l’autel désert s’abîmait en prière.
Par crainte d’être vu le moine était resté.
Il était inquiet, passait de place en place,
Quand un cri déchirant tout à coup fut jeté :
Car les deux amoureux se trouvaient face à face.
Le diable, qui rôdait par là,
Ricanait en voyant cela.
Les yeux hagards, les bras levés, comme une folle,
Elle s’enfuit, courut d’abord vers les maisons,
Puis dans les champs, dans les chemins, dans les moissons.
Ses cheveux déroulés flottaient en auréole.
Traversant les guérets, franchissant les ruisseaux,
Derrière elle le moine à grandes enjambées
Courait, faisait des bonds à se rompre les os,
Les yeux ardents déjà d’infernales flambées.
Le diable, qui rôdait par là,
Ricanait en voyant cela.
Cette fuite affolée avait troublé la fête
Et le Père prieur ne savait qu’en penser.
Quel scandale affreux ! Qu’allait-il se passer ?
Il demeurait stupide en se grattant la tête.
Le novice gagnait du terrain. C’en est fait,
Il l’atteint, la saisit par sa robe envolée ;
Elle s’échappe encor, tombe ; tout disparaît.
La terre sous leurs pieds serait-elle écroulée ?
Le diable, qui rôdait par là,
Ricanait en voyant cela.
Ils étaient tous les deux tombés dans la Romanche,
Du haut des grands rochers taillés dans les côteaux.
Les premiers arrivés virent sortir des eaux
Et monter vers le ciel une colombe blanche.
Mais le moine est resté dans les flots écumants,
Il se débat encor dans l’eau qui tourbillone,
Et la voix du torrent, dans ces gouffres fumants,
Etouffe les clameurs de sa bouche félonne.
Le diable, qui rôdait par là,
Ricanait en voyant cela.